Un aperçu de l’histoire de la Fondation des écrivains canadiens, par Sandra Campbell.

La Fondation des écrivains canadiens inc. (FEC) / The Canadian Writers’ Foundation (CWF) est un organisme caritatif sans but lucratif fondé en 1931 pour soutenir financièrement les auteurs canadiens âgés qui ont besoin d’aide à cause de leur âge ou d’une maladie chronique. La Fondation est actuellement dirigée par un conseil d’administration formé de huit membres non rémunérés, qui se réunissent à Ottawa. Elle bénéficie des services de nombreux conseillers dans tout le Canada. Elle offre aux auteurs canadiens francophones et anglophones dans le besoin des pensions et des subventions ponctuelles, tirées sur un fonds de dotation. L’identité des bénéficiaires reste confidentielle leur vie durant. Des auteurs de renom, notamment Dorothy Livesay, Scott Symons, Yves Thériault, Norman Levine, Mavis Gallant, Irving Layton et beaucoup d’autres ont ainsi été pensionnés, pendant un temps considérable pour la plupart.

Créé en 1931 sous le nom de Fondation des auteurs canadiens par le Pr Pelham Edgar du Collège Victoria (Université de Toronto) et ses amis de tout le pays, l’organisme philanthropique a été constitué en société le 2 mars 1945 et rebaptisé Fondation des écrivains canadiens inc. (Campbell, 1983) . Dans un ouvrage intitulé The Foundation and the Man (publié en 1959 et réimprimé en 2007), Walter Dawson (pseudonyme de Donald W. Thompson), chroniqueur de la Fondation, rappelait que ses objectifs, tels qu’ils sont énoncés dans la déclaration de fiducie, sont entre autres « de créer, doter et faire croître un fonds perpétuel à l’intention des auteurs réputés, hommes et femmes, y compris les personnes à leur charge, ainsi que de toute personne qui se trouverait dans l’indigence après avoir contribué de manière remarquable à la littérature canadienne . » C’est le mandat qui anime la Fondation, ses administrateurs et ses sympathisants depuis le début, en dépit des difficultés de financement des premières années.

Histoire

Au Canada, l’écriture a toujours été une profession précaire. Un grand nombre d’écrivains accomplis vivent sous le seuil de la pauvreté, malgré le droit d’auteur et les revenus d’autres sources, d’autant qu’aucune mesure ne leur assure une retraite professionnelle. Les subventions du Conseil des arts du Canada et d’autres organismes de même que le paiement de redevances financées par le gouvernement pour les livres en bibliothèque, par exemple, sont de création relativement récente. Par ailleurs, le mécénat privé n’est pas aussi bien établi ou répandu qu’aux États-Unis, notamment. Enfin, à la différence de la Grande-Bretagne, le Canada n’a jamais établi de liste civile pour venir en aide aux auteurs dans le besoin. Notons toutefois que le Québec a toujours été plus disposé que le reste du Canada à aider ses auteurs.

Charles G.D. Roberts, Archives de l'Université Queen’s

Charles G.D. Roberts, Archives de l’Université Queen’s

La Fondation des écrivains canadiens a été inspirée par la situation de l’un des poètes canadiens les plus réputés du tournant du XIXe siècle. En effet, peu de temps avant la Grande dépression, au terme d’un séjour de quelques décennies à l’étranger, Charles G.D. Roberts (1860-1943), père de la poésie canadienne d’après la Confédération, revint au Canada déjà âgé et pratiquement dépourvu de ressources. Roberts et Bliss Carman (1861-1929), son cousin et poète célèbre lui aussi, avaient donc en commun leur réputation d’écrivains mais également leur habilité à se tirer d’affaires avec peu de moyens et à obtenir des prêts personnels d’admirateurs du Canada et d’ailleurs. Pourquoi avaient-ils développé ce talent? Le marché littéraire canadien était très petit à l’époque, et les lecteurs dispersés sur un vaste territoire, sans compter diverses anomalies du droit d’auteur préjudiciables à nombre écrivains de ce pays.

Pelham Edgar,
Bibliothèque de l’Université Victoria (Toronto)

Professeur au Département d’anglais du Collège Victoria, Pelham Edgar (1871-1948), bien connu dans les premières années du XXe siècle comme critique littéraire et mentor d’E.J. Pratt, Duncan Campbell Scott, Raymond Knister et Northrop Frye entre autres auteurs, résolut, en plein cœur de la Grande dépression, de trouver un moyen d’aider financièrement Roberts, qui vivait bien précairement à Toronto depuis le milieu des années 1920. En 1931, il entreprit des démarches dans tout le Canada, aidé par un laissez-passer que lui avait accordé John Murray Gibbon, homme de lettres et administrateur des chemins de fer du Canadien Pacifique. Il réussit à convaincre des bibliophiles et des philanthropes canadiens, y compris P.D. Ross, éditeur de quelques journaux de la ville d’Ottawa, Duncan Campbell Scott, fonctionnaire et poète, Emily Murphy, magistrate de police et auteure albertaine (sous le nom de plume Janey Canuck), et beaucoup d’autres, de demander au gouvernement fédéral une aide financière au nom de Roberts.

Grâce aux pressions persistantes du Pr Edgar auprès du gouvernement fédéral et de Lord Bessborough, le gouvernement Conservateur de R. B. Bennett finit par accorder au poète une rente annuelle, établie pour commencer à 2500 dollars. Fait révélateur : la somme fut d’abord présentée dans les prévisions budgétaires fédérales comme un fonds alloué à la Fondation pour la rédaction d’un rapport sur l’état de la littérature canadienne. En effet, le gouvernement fédéral hésitait encore à révéler qu’il soutenait des auteurs à titre individuel. La Fondation était donc un important intermédiaire de l’aide fédérale aux écrivains canadiens.

Pelham Edgar envisagea vite de lui donner un rôle plus substantiel que celui d’aider un auteur indigent parmi tant d’autres. Il continua donc à solliciter de tous côtés et à recueillir de l’argent pour la cause avec l’aide de ses amis, dont Lorne Pierce, éditeur à Ryerson Press, sir Robert Falconer, recteur de l’Université de Toronto, et Albert Robson, artiste torontois et imprimeur d’œuvres d’art. Ensemble, ils parvinrent à créer un fonds permanent, un exploit au vu des séquelles de la Grande Crise. Au cours des années 1930 et 1940, malgré de maigres ressources, la Fondation put aider notamment les romanciers Laura Goodman Salverson et Marshall Saunders et la poétesse Audrey Alexandra. La mort en 1943 de Charles G.D. Roberts (anobli en 1935) fut un tournant dans l’histoire de la Fondation : la subvention fédérale prit fin. Les mécènes durent redoubler d’efforts pour élargir et renforcer les bases de l’organisme afin d’adoucir le sort d’auteurs âgés et appauvris comme Saunders et Salverson.

À partir de 1943, Edgar et Pierce poursuivent la recherche de financement avec les directeurs de la Fondation : Wilfrid Eggleston, Gustave Lanctôt, Jean Bruchési,  Charles Clay (premier secrétaire exécutif, de 1943 à 1946) et d’autres. La Fondation est officiellement constituée en société en 1945, sous le nom de The Canadian Writers’ Foundation Inc. / La Fondation des écrivains canadiens, changement destiné à éviter la confusion avec la Canadian Authors’ Association, une autre association littéraire. À partir de 1949, la Fondation bénéficie de dons du gouvernement du Québec et de La Société des écrivains canadiens. Berthelot Brunet, pensionné de 1947 à 1968, devient le premier bénéficiaire francophone, une décision qui souligne le caractère bilingue et le mandat biculturel de l’organisation. En 1946, le gouvernement fédéral du premier ministre Mackenzie King restaure la subvention annuelle de 2500 dollars, somme qui sera ensuite portée à 6000 dollars, avant que ce type d’activités de financement ne soit confié au Conseil des Arts du Canada dont l’appui se maintiendra jusque dans les années 1970 et 1980.

Theresa E. Thompson

Theresa E. Thomson,
Bibliothèque et Archives Canada, numéro de négatif PA-117787

Après la mort du fondateur Pelham Edgar, en 1948, Lorne Pierce, éditeur et membre du conseil d’administration, aidé de Theresa Thomson, secrétaire exécutive et trésorière à partir de 1946 et elle-même poétesse, pilotent les efforts de longue haleine déployés pour raffermir la situation financière de la Fondation afin de mieux aider les auteurs canadiens. C’est dans cette optique qu’est créé le Pelham Edgar Memorial Fund, en 1953, pour constituer un fonds permanent. Laura Goodman Salverson, Frederick Philip Grove, Hugh MacLennan et Paul Morin figurent parmi les bénéficiaires de la FEC pendant les années 1940 et 1950.

Le francophone Gustave Lanctôt est président de 1949 à 1955. Épaulé par Jean Bruchési, l’un des directeurs, il convainc le gouvernement fédéral d’augmenter son apport et persuade le gouvernement du Québec de devenir la première province à subventionner annuellement la Fondation. Albert Trueman, qui lui succède à la présidence de 1955 à 1957, réussit à faire augmenter encore la subvention fédérale et à obtenir des fonds de sources privées et du grand public avant de démissionner en 1957 pour diriger le Conseil des arts du Canada. À l’instar de nombre d’autres membres du bureau, il croit fermement que la Fondation ne peut accomplir son travail d’importance pour la littérature canadienne sans l’aide de particuliers autant que des gouvernements.

Raymond C. Hull

Raymond C. Hull,
Fondation des écrivains canadiens

C’est dans ce but qu’à partir des années 1950, des directeurs de la Fondation tels que le romancier Robertson Davies,  l’historien C.P. Stacey et le capitaine de frégate C. Herbert Little, président de 1978 à 1998, de même que les écrivains June Callwood et Pierre Berton, pressent les éditeurs, les entreprises et des particuliers de faire dons et legs. Vers la fin des années 1980, Raymond C. Hull (1919-1985), écrivain de Colombie-Britannique et co-auteur, avec Laurence J. Peter, de l’ouvrage intitulé Le Principe de Peter, une théorie de gestion dont le succès ne se dément pas, témoigne de l’importance qu’il accorde à l’action de la Fondation en léguant à celle-ci une partie de sa fortune, dont les droits d’auteur qui protègent ses nombreux livres. Aujourd’hui, la Fondation est dotée d’environ un million de dollars et pensionne plusieurs auteurs, en plus d’accorder des subventions ponctuelles à certains tout en cherchant à accroître le fonds pour aider davantage les écrivains canadiens malades ou âgés.

Bill bissett, Milton Acorn et Anne Marriott, poètes de la Colombie-Britannique, du Canada atlantique et du Manitoba, respectivement, ainsi que Berthelot Brunet, auteur québécois et Jessie Louise Beattie, écrivaine ontarienne, font partie des auteurs que la Fondation a aidés de la sorte depuis les trente dernières années. La subvention « m’a aidée à vivre plus qu’à exister. […] Vous m’avez permis de vivre détendue et heureuse  », a écrit Dorothy Livesay, bénéficiaire d’une subvention. Mais les besoins sont grands et les fonds restent limités.

Les membres du conseil d’administration de la FEC prouvent la profondeur de leur engagement en renonçant à toute rémunération et en refusant de même volontairement le remboursement des dépenses qu’ils engagent pour participer aux deux réunions annuelles qui ont lieu à Ottawa et ailleurs. Les directeurs (actuellement au nombre de huit) sont élus pour trois ans et nomment cinq d’entre eux au bureau chaque année (y compris la reconduction de certains mandats). La Fondation, enregistrée comme organisme caritatif, bénéficie des services d’un secrétaire exécutif à temps partiel rémunéré. Elle a reçu à ce jour des subventions de la Canadian Authors’ Association, de la Société d’encouragement aux écrivains du Canada ainsi que d’autres sources, énumérées ci‑dessus. Actuellement, elle compte sur son fonds de dotation et sur la générosité de particuliers. À cette fin et pour renseigner la communauté littéraire canadienne dans les deux langues officielles, elle a un site Web bilingue. Pour recevoir l’aide de la FEC, les candidats doivent être auteurs, avoir contribué de manière importante à la littérature canadienne, être âgés de 60 ans ou plus, résider au Canada, avoir un handicap ou être incapables de gagner un revenu suffisant et ne pas toucher de revenus annuels supérieurs à 21 500 $.

Pour communiquer avec la Fondation, il suffit de consulter le site Web, d’écrire à l’adresse C. P. 13281, Succursale Kanata, Ottawa (Ontario)  K2K 1X4, à info@fondationdesecrivainscanadiens.org ou, par télécopieur, au numéro 613 256‑5457. Le numéro de téléphone est le 613 257‑6937.
Depuis 1952, la Fondation des écrivains canadiens confie ses dossiers à Bibliothèque et Archives Canada et en autorise la consultation par les chercheurs intéressés. Sa structure, sa charte et les modalités d’octroi des subventions ont été simplifiées au fil des ans pour adapter le financement à l’époque et permettre la formation d’un bureau efficace et représentatif, qui est actuellement composé de huit personnes. Sa présidente actuelle est Marianne Scott, ancienne administratrice générale de la Bibliothèque nationale du Canada, qui a succédé en 2008 à Gilles Frappier, bibliothécaire de la ville d’Ottawa et président de 1998 à 2008. La tenue de la réunion du 60e anniversaire de la Fondation à Rideau Hall en 1991 a mis en lumière le rôle du gouverneur général à l’égard de l’organisme. Suivant la tradition, d’ailleurs, l’actuel gouverneur général figure parmi les mécènes.

Depuis quelque quatre-vingts ans, des auteurs d’horizons aussi divers que la journaliste June Callwood, (« Cette organisation mérite notre aide et notre gratitude à tous. ») et la romancière Marie‑Claire Blais (« […] il faut que cette aide puisse l’appuyer afin  qu’il [l’écrivain] puisse écrire dans la paix et la dignité, car ce respect lui est dû » ) ont témoigné de l’importance vitale de la mission de la Fondation auprès des auteurs les plus talentueux d’un pays où, malheureusement, nombre d’écrivains accomplis et inventifs souffrent de la maladie, de la pauvreté et de la vieillesse, même au XXIe siècle.

Les Origne

Adams, James. « Making the literary life a little less precarious », Globe and Mail, Toronto, 14 février 2009.

The Collected Letters of Sir Charles G.D. Roberts, Laurel Boone (dir.), Fredericton, Goose Lane, 1989.

Campbell, Sandra. Both Hands: A Life of Lorne Pierce of Ryerson Press, Montréal, McGill-Queen’s, University Press, 2013.

Canadian Literary Career of Professor Pelham Edgar, thèse de doctorat inédite, Département d’anglais, Université d’Ottawa, 1983.

Canadian Writers’ Foundation Fonds, Bibliothèque et archives Canada, Ottawa, Ontario.

Dawson, Walter (pseudonyme de Don W. Thomson).  The Foundation and the Man, Toronto, édition privée [Ryerson Press], 1957, 2e édition, Ottawa, Penumbra Press, 2007.

Edgar, Pelham. « The Author’s Foundation », [Canadian Authors’ Association] Authors’ Bulletin, vol. 20, no 9 (septembre 1931).

Eggleston, Wilfrid.  Literary Friends. Ottawa:  Borealis, 1980.

Harrington, Lyn. Syllables of Recorded Time: The Story of the Canadian Authors’ Association 1921-1981. Toronto: Simon and Pierre, 1981

« $100,000 Foundation Planned », Toronto Mail, 2 avril 1931

Pacey, Desmond, ed. The Collected Letters of Frederick Philip Grove.    Toronto: University of Toronto Press, 1976.

  (1) Sur Pelham Edgar et la création de la Fondation, lire Sandra Campbell. The Canadian Literary Career of Professor Pelham Edgar, thèse de doctorat, Université d’Ottawa, 1983, p. 157, 274-277.

  (2) Walter Dawson (pseudonyme de Donald W. Thomson), The Foundation and the Man (2e édition, Manotick, Ontario, Penumbra Press, 2007), p. 13 [notre traduction]. C’est cette chronique autorisée, outre le fonds FEC, qui est la source de la chronologie présentée ici.

  (3) Dorothy Livesay, extraits d’une lettre citée dans des procès-verbaux de 1992 et 1997 de la FEC : CWF notes from Minutes of 1931-2012, sous la direction de Suzanne Williams, n.p.

  (4) Mmes Callwood [notre traduction] et Blais sont citées par Gwen Hoover et Marianne Scott dans l’introduction rédigée par celles-ci pour The Foundation and the Man de Dawson, p. 9 et 10.

La brochure réimprimée, The Foundation & the Man, écrite par Walter Dawson (alias Don W. Thomson, ancien président de la Fondation canadienne des écrivains), retrace l’histoire de la Fondation canadienne des écrivains pour les années 1931 à 1959. Des exemplaires sont disponibles. sur demande du contact du bureau de la FÉC.

À la découverte de grands amis des lettres

Hommage à Pelham Edgar

C. H. Little

(Publié initialement dans Canadian Author & Bookman, vol. 58, no 4, été 1983)

J’ai fait la connaissance de Pelham Edgar en 1926, environ, à la fraternité Zeta Psi de Toronto, dont nous étions membres tous les deux. Il avait atteint la mi-cinquantaine, était grand et mince, et ses yeux sombres lançaient des regards perçants sous d’épais sourcils et une abondante tignasse sombres. Son nez aquilin surmontait la plus grosse et la plus fascinante moustache noire qu’il m’ait été donné de voir, au point que j’avais du mal à ne pas le dévisager. Comme je ne fréquentais pas son collège, je n’ai jamais pu assister à ses cours, mais nous avions en commun un grand intérêt pour l’Upper Canada College et le cricket, ce dernier étant pour lui une passion immodérée.

Pelham Edgar est maintenant considéré comme « une figure à nulle autre pareille des lettres canadiennes » (pour citer Northrop Frye). C’était un excellent professeur d’anglais, doublé d’un critique réputé, ardent défenseur de la littérature de notre pays, mais qui ne commit jamais l’erreur de croire que le nationalisme rachète une écriture médiocre. Il a dirigé la publication de cinq ouvrages, et les grandes revues spécialisées de l’époque ont publié par dizaines ses pamphlets, essais et critiques.

Sa plus grande réalisation, sur le plan social, reste toutefois la création, presque à lui seul, en 1931, sous le nom de Fondation des auteurs canadiens, devenue Fondation des écrivains canadiens inc. en 1945. Le but était de doter un fonds perpétuel « à l’intention des auteurs réputés, hommes et femmes, y compris les personnes à leur charge […] qui se trouveraient dans l’indigence ».

Lord Bessborough, gouverneur général, en devint le premier mécène, à la demande du Pr Edgar, qui partit ensuite en tournée dans l’Ouest canadien pour faire connaître les généreux objectifs de la Fondation. Après la formation d’un premier conseil d’administration composé d’éminents personnages, une réunion publique eut lieu le 20 octobre au Convocation Hall de l’Université de Toronto, sous la présidence de sir Robert Falconer et en présence de conférenciers de renom. L’avenir semblait brillant, mais la grande crise empêchait le moindre progrès significatif. Bref, la Fondation avait de nobles idéaux, mais pas d’argent.

L’histoire de Raymond Knister, ancien étudiant du Pr Edgar, illustre cruellement cette incapacité d’agir. Knister avait publié aux presses de l’Université Ryerson deux romans si bien accueillis qu’on vit en lui le romancier le plus prometteur que le Canada eut produit, dans la veine de Thomas Hardy. Il avait également dirigé la publication du recueil intitulé Canadian Short Stories, pour l’éditeur Macmillan, et fait paraître nombre de nouvelles de sa plume. Mais l’épuisement du marché et la faillite d’une maison d’édition réduisirent Knister à l’indigence et au désespoir. Quand, en mai 1932, l’auteur demanda un prêt de 400 dollars à la Fondation pour survivre jusqu’à la vente des textes qu’il venait d’écrire, le Pr Edgar fut incapable de trouver, dans tout le Canada, une organisation qui put lui venir en aide. Raymond Knister mourut par noyade au mois d’août. Il n’avait que 32 ans. Le drame anima le Pr Edgar et le Pr Lorne Pierce, de Ryerson, d’une ferme résolution : il fallait créer un fonds permanent, mais indépendant de la générosité publique, pour répondre aux futures urgences.

Sur les instances du Pr Edgar, le premier ministre Bennett fit inscrire une somme de 2500 dollars dans le budget des dépenses du gouvernement fédéral de 1933-1934, pour le versement d’une subvention annuelle à sir Charles G. D. Roberts. L’écrivain toucha l’argent jusqu’à sa mort, en 1943, puis la prestation fut éliminée. La candidate suivante fut Margaret Marshall Saunders. Âgée de 82 ans en 1943, cette auteure renommée s’était retrouvée seule et pauvre. Faute de fonds publics, on fit appel à la population, qui répondit assez bien, mais il devenait clair que la Fondation devait disposer de ressources propres. Le Pr Edgar dirigea la campagne de constitution d’un fonds de dotation permanent et reçut un premier chèque fin du comte d’Athlone, alors gouverneur général du Canada.

Pelham Edgar succéda à sir Robert Falconer à la présidence de la Fondation, à la mort de ce dernier, en 1943. Il dirigea les démarches visant la constitution de la Fondation en société, en 1945, et restructura de manière beaucoup plus pratique, quoique toujours inspirée des idéaux d’origine, les mécanismes de financement et de distribution de l’aide. À sa mort, en 1948, il pouvait s’enorgueillir d’avoir réalisé une partie de son rêve : une organisation nationale pérenne, dotée de ressources suffisantes et sûres, allait soutenir et encourager des auteurs canadiens de talent

Copyright © 1983, CAA

Raymond C. Hull, le bienfaiteur

Anthony Hyde et Suzanne Williams

Raymond C. Hull, né en Angleterre et arrivé au Canada en 1947, est un personnage excentrique de la scène littéraire canadienne. Installé à Vancouver, il a déjà la trentaine quand il commence à s’intéresser à l’écriture, inspiré en grande partie par un cours de création littéraire à l’Université de la Colombie-Britannique. Pendant plusieurs années, il enchaîne les petits boulots, continue de suivre des cours et présente quelques textes – des pièces de théâtre, en grande partie – à la Société Radio-Canada. Le succès lui permet de se consacrer à plein temps à l’écriture. Il participe à la création des Gastown Players, à Vancouver, et peut donc produire ses propres pièces (surtout des mélodrames, comme The Drunkard et Wedded to a Villain) et celles d’autres dramaturges. C’est à la sortie d’une représentation qu’il fait la connaissance de Laurence J. Peter, un Vancouvérois spécialiste de la formation qui, après une discussion sur la pièce de Hull, évoque son intérêt pour la sociologie des organisations. Intrigué, Hull prolonge la conversation fort avant dans la nuit. Il finira par collaborer avec Peter à la rédaction du célèbre Principe de Peter, qui connaîtra un énorme succès. (Le « principe » en question tient en une phrase : « Dans une hiérarchie, tout employé a tendance à s’élever à son niveau d’incompétence. ») Laurence Peter mourra en 1990.

À sa mort, en 1985, Hull lègue tous ses droits d’auteur, droits de publication et redevances à l’égard des œuvres qu’il a écrites ou coécrites, y compris sa part des droits générés par Le principe de Peter, à la Fondation des écrivains canadiens. Il laisse également à la Fondation le reliquat de sa succession, une coquette somme de 500 000 dollars. Le tout générera au fil des ans des milliers de dollars de revenus d’intérêt. La bibliothèque principale de l’Université de la Colombie-Britannique figure aussi parmi ses légataires et reçoit tous ses livres, ses commentaires et sa correspondance littéraires, ses carnets, documents, dossiers et manuscrits, publiés ou inédits, ainsi que le droit aux profits de la publication du tout, que l’établissement doit consacrer à l’achat de livres d’auteurs canadiens. Enfin, la bibliothèque publique de Vancouver hérite d’une somme de 100 000 dollars pour l’acquisition, de même, de livres d’écrivains canadiens.

Hull a assorti son legs d’une stipulation : l’argent doit être investi, et seuls les revenus de ces investissements peuvent servir à financer la mission de la Fondation à l’appui des auteurs canadiens dans le besoin.

Espérons que son histoire suscite d’autres legs substantiels, qu’il s’agisse de sommes à investir de sorte que les revenus d’intérêt aident la Fondation à soutenir financièrement les auteurs canadiens indigents, ou encore des droits d’auteur et de publication et des redevances à l’égard d’œuvres écrites ou coécrites par le donateur.

Nous vous invitons à consulter la page d’information sur les dons pour savoir comment contribuer à ce programme des plus utiles. Des reçus pour déclarations fiscales seront délivrés pour tous les dons, legs et hommages commémoratifs.

Anciens présidents

Gilles Frappier 1998-2008
C. Herbert Little 1978-1998
John E. Robbins 1976-1978
Donald W. Thomson 1973-1976
Claude B. Aubry 1971-1973
George Buxton 1966-1968
Auguste Morisset 1966-1968
Arthur Bourinot 1964-1966
Edna Dorman 1963-1964
James A. Gibson 1961-1963
Guy Sylvestre 1959-1961
Charles P. Stacey 1958-1959
Albert W. Trueman 1955-1958
Gustave Lanctot 1948-1955
Pelham Edgar 1943-1948
Robert Falconer 1931-1943